Alan Wine

Publié le par Vassili

Ah, voilà un titre qu'il est bien mystérieux, mordiou!


Sous ce titre que je reconnais bien volontiers austère se cache un regroupement des deux découvertes que j'ai l'ambition de vous faire partager aujourd'hui. Nous allons arpenter des terrains souvent considerés comme de la sous-culture ( à tort) et qui pourtant seront deux excellentes surprises pour peu que l'on accepte de franchir le pas.


Le premier d'entre eux est un, horreur cachez les enfants, manga, et il s'appelle


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LES GOUTTES DE DIEU

de Tadashi Agi et Shu Okimoto


On considère souvent le manga avec un certain mépris, en France. Le raz-de-marée de ses ventes semble, pour beaucoup, n'avoir frappé que des aficionados chevelus aux tenues excentriques, mais en France, on reste traditionnellement attachés au BD franco européennes. Le même relatif mépris semble s'abattre également sur les comics américains, à tort tant certains opus, comme Watchmen, sont brillants.


Toujours est-il qu'au hasard d'un passage chez le libraire local (comme dirait l'autre, j'ai pas le droit de dire le nom, je dirai que les initiales, FNAC), j'avais aperçu ce manga prétendant traiter du vin. J'avoue qu'alors, en gros français ahuri, je m'étais dit par devers moi "des japonais qui parlent de vin, et puis quoi encore?".


Erreur. Car récemment, un comparse que je salue au passage m'a offert les premiers tomes de ce manga. Mû par la curiosité, je me suis donc plongé dans la lecture.


Le jeune Shizuku est le fils d'un oenologue qui vouait sa vie à son art. En réaction, le jeune homme n'a donc jamais bu une goutte de vin de sa vie. Mais à la mort de son père, le voilà en concurrence avec un frère adoptif, dont il ignorait l'existence, oenologue brillant de son état, pour remporter la cave du défunt père. Pour cela il doit retrouver 12 vins de légende, qui devront le mener au plus grand d'entre eux: les gouttes de Dieu. D'abord réticent, Shizuku va petit à petit se laisser enivrer (oh oh) par sa découverte du vin, et s'apercevoir que son père lui a déjà légué un présent somptueux: un goût et un odorat redoutables.


Premier constat: c'est beau. Et même très beau. Les personnages sont magnifiques, fort bien dessinés, mais on ressent cette beauté essentiellement lors des dégustations. Les vins inspirent à Shizuku des images, des sensations, un peu transcendées, et le dessin arrive précisément à retranscrire ces sensations, ce qui fait participer le lecteur au partage.


Certes, Shizuku jouit de l'avantage non négligeable d'avoir des talents de dégustateur hors normes, mais pour le reste, c'est un béotien total en terme de vins, ainsi toutes ses découvertes sont partagées par un lecteur qui a bien vite l'eau à la bouche.


Le scénario en lui-même est assez classique, de multiples intrigues parallèles sympathiques venant se greffer à la quête principale, mais il n'en demeure pas moins que le but n'est pas là: rarement le vin aura été aussi bien démocratisé, expliqué au plus grand nombre, comme l'expliquent les différents sommeliers qui fournissent la préface de chaque tome. Jamais il n'aura été abordé, à destination du plus grand nombre, avec autant de respect, tout en n'oubliant pas sa dimension principale: le vin est et doit rester festif...


Et plus que tout, preuve que l'objectif est parfaitement réussi: à la fin de chaque tome, ou même avant si vous ne résistez pas, vous aurez envie d'ouvrir une bouteille de vin, pas pour la boire, mais bien pour la déguster, en essayant de retrouver les émotions du livre. Et le voyage vaut le coup.


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Ouvrez-moi. Je le veux.


LES GOUTTES DE DIEU, 11 Tomes, série en cours, 8,50 € environ le tome.





Deuxième étape de ce court périple, pour revenir, une nouvelle fois, sur le terrain méconnu du loisir vidéoludique (ca claque quand même plus que jeu vidéo).


Je vous ai fait part, il y a peu, de la gifle assénée par Heavy Rain, et de l'impact que je pensais qu'il aurait sur le monde du jeu.


Enfin, les développeurs avaient les machines susceptibles de mettre en image leurs fantasmes de créateurs. Enfin, les Ancel, Molyneux, Garriott ou Viennot allaient avoir des outils à la hauteur de leur créativité.


Resituons un peu notre sujet: il y a quelques années, le petit studio Remedy avait produit un jeu qui a marqué son époque, Max Payne. Dans la forme, il s'agissait d'un jeu de tir à la troisième personne, rien de bien original. D'ailleurs, il s'agissait majoritairement de dessouder du mafieux dans un "bullet time" qui a beaucoup inspiré l'oubliable trilogie Matrix.


Pourtant, ce jeu a laissé une empreinte sur ses joueurs, un souvenir: le souvenir d'une ambiance, d'un scénario. Un excellent souvenir. Le jeu a été oublié. Mais l'émotion est restée.


Quelques années plus tard, donc, Remedy arrive avec un nouveau titre: Alan Wake. Attendu depuis trois ans, le jeu a été produit artisanalement, progressivement, pas à pas.


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ALAN WAKE

exclusivement, hélas, sur XBox 360


Alan Wake est un écrivain à succès. En panne d'inspiration depuis deux ans, il s'installe à Bright Falls, paisible village, pour y retrouver la flamme. Mais, dès le premier soir, sa femme tombe dans le lac et disparait. Alan se jette donc à l'eau à sa suite... et se réveille une semaine plus tard, au volant d'une voiture accidentée, avec quelques pages de son prochain livre... qu'il n'a jamais écrit.


Alan Wake constitue une nouvelle étape de cette nouvelle ére du jeu vidéo. D'abord par ses inspirations: Shining, Fog, L'antre de la Folie, Shutter Island, les influences sont nobles et traitées avec déférence.


Il est bien évident qu'en terme de jeu pur, ces influences ne semblent pas déterminantes. Et bien, ici encore, ce n'est pas le jeu qui est au coeur du plaisir. Les mécaniques de jeu sont simples, voire simplistes (mais difficile de les dévoiler sans trop en dire). Mais c'est surtout l'ambiance extraordinaire qui nimbe ce jeu que l'on retiendra. Bright Falls a, bien évidemment, tous les atours d'un village à la Stephen King, cachant un sombre secret. On y croise une galerie de personnages bien écrits, tous clairement identifiables, comme une espèce de carnaval macabre où le personnage, et donc le joueur, sombre vite dans la psychose. Car Wake est vraiment écrivain, donc humain. S'il court trop, il crache ses poumons. S'il en fait trop, il meurt. S'il chute, il meurt. Et à travers lui, et les commentaires qu'il se fait sur les événements, c'est bien nous, joueurs, qui sommes au coeur du mystère horrifique de Bright Falls.


Et quelle qualité d'écriture! Le scénario s'interroge sur le pouvoir de la création, l'emprise que l'artiste a sur le monde, sur la peur, l'humanité, revisitant pour alimenter son ambiance quelques-uns des plus beaux moments de la production horrifique du cinéma. Je peux vous dire que du haut de mon désormais grand âge, je me suis surpris plus d'une fois à sursauter devant mon écran, à avoir de vrais moments d'adrenaline, et même parfois, vraiment... la trouille.


Alan Wake pousse l'exploit jusqu'à faire regretter qu'il y ait des phases de jeu au milieu de sa narration tant celle-ci est riche, inventive, et pose des questions qui donne rapidement le vertige au joueur. Un exemple de cette créativité: à certains moments, vous apprenez dans le jeu ce qui va se passer, plus tard, dans votre aventure. Réussir à éventer ainsi un événement du scénario sans jamais en édulcorer la saveur, voilà qui devrait vous convaincre qu'Alan Wake est un jeu hors norme, et que longtemps après que vous aurez reposé la manette, il vous poursuivra. Ou vous hantera.

Publié dans Mon univers

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