Grillade estivale

Publié le par Vassili

La période estivale est, pour qui se pique un peu de curiosité, une ère où l'observation de l'individu dans son milieu naturel (les vacances) prend un charme tout particulier.

 

Dans une démarche tout ce qu'il y a de plus anthropologique, et muni d'un certain courage, je me suis donc muni de mon petit calepin pour aller espionner le congé payé dans son morne congé estival.

 

Premier constat, d'ors et déjà navrant: le congé payé n'aime pas la place. Ainsi, aux beaux jours, plutôt que d'aller faire rôtir son gras consciencieusement accumulé pendant les agapes d'une année de débauche sur les plages de Bali ou des Seychelles, il prefere aller se tasser, groin contre groin, avec ses congeneres, sur les plages du glacial Océan Atlantique. Mais si glacial. Enfin, compareriez-vous, avec deux doigts de bon sens, les 20° maximum de cette eau que les hydrocarbures de BP ne tarderont pas à envahir, et les eaux à 28-29° de l'Océan Indien?

 

Et bien pour une raison qui m'échappe, donc, le congé payé semble déterminer à aller se cailler le fion sur une plage de ce littoral, les allemands et hollandais, toujours beaucoup plus soucieux de leur bien-être, préférant coloniser pacifiquement la Côte d'Azur (ils nous rejouent 30-40, je vous le dis!).

 

Ainsi donc, on verra s'étaler une obscure mégère, toutes mamelles dehors, considérant que sa poitrine, alterée par 3 grossesses et des années d'inactivité constitue un spectacle plaisant pour les autochtones. Chère madame, je vous le dis, l'exposition de ces choses flasques et molles, irrémédiablement attirées par le sol, est tout sauf un spectacle. On est sans doute plus proche de l'intervention, ce concept d'art moderne qui sert à sauver la réputation d'une oeuvre merdique en expliquant qu'elle n'est pas une oeuvre d'art, mais une intervention. Voilà, madame, vos seins ne sont pas une oeuvre d'art, ce sont des interventions.

 

A côté, se trouve le petit Tristan. Le petit Tristan est un enfant comme beaucoup d'autres, plein d'énergie et de vitalité. Mais là où la plupart des autres se contentent d'ériger des chateaux de sable à la gloire d'on ne sait qui, ou d'aller barboter dans l'eau en poussant des petits couinement en cas de rencontre avec une méduse, Tristan, lui, a décidé de faire partager à tout le monde sa vitalité. C'est ainsi qu'allongé à côté de votre repas du soir, une petite anglaise rencontrée impromptu et qui ne tardera pas à faire la connaissance du vrai chic français, vous avez le vif plaisir de recevoir de larges volumes de l'eau glacée susmentionnée, accompagnés de cris d'orfraie, quand vous ne récoltez pas en supplément quelques généreuses poignées de sable, que le jeune Tristan vous a envoyé en visant sa petite soeur, sous le regard amusé de Maurice, ouvrier dans la sidérurgie et ci-devant père du petit Tristan, qui daigne à peine vous consentir un "'scusez-nous".

 

Et je ne t'en veux pas, Tristan.

 

Oh non.

 

Car le fond de ton problème, c'est bien lui, Maurice, triste salarié aigri par la vie et un "salaud de patron" (ce sont ses mots), qui ne fera jamais rien pour t'ouvrir à la culture, et qui, faute de barrières morales lui-même, sera bien en peine de t'en transmettre.

 

Ainsi donc, lorsqu'à 14 ans, tu te drogueras, sera en échec scolaire et recevra chez toi la visite du toujours sémillant 'Pascal le Grand Frère", tu auras au moins le réconfort de savoir que tout était écrit depuis le début, et que le diagnostic est simple. Après 5 ans de maison de redressement, tu pourras donc retourner chez toi et occire le fautif, avant de passer 20 ans cette fois en prison, criminel certes, mais rasserené.

 

On pourrait croire que je deteste la plage, et c'est le cas.

 

Néanmoins, on y trouve encore quelques spécimens attachants.

 

D'abord, il n'y a pas que des petits Tristan. Il y en a aussi de sages, qui s'amusent sans aucune conscience des périls de ce monde, avec une innocence qui ne peut qu'inspirer la nostalgie tant elle nous parait lointaine. Il y a aussi ces couples, hors d'âge, assis sur des chaises pliantes de fortune, en train de s'adonner à un mot croisé qui n'en finit pas ou de relire un Barbara Cartland, sans échanger un seul mot mais manifestant pourtant une relle complicité.


Le soir venu, l'on retrouve cette même faune, en train de s'empiffrer de gaufres et autres joyeusetés, ignorant au passage tous les efforts consentis pendant l'année pour lutter contre le cholestérol. Par vagues entières, comme une espèce de montée aux alpages, ils se meuvent vers la terre sacrée.


La terre sacrée? Une rambarde, un plot, n'importe quoi qui puisse servir d'assise, pour pouvoir applaudir bruyamment le spectacle miraculeux du feu d'artifice.


Bon, le feu d'artifice, en soi, c'est pas mal, mais dans certaines municipalités ils sont tout aussi fauchés que ceux que pourraient tirer le Tonton Gaston à l'issue du repas dominical et arrosé. Et bien ca n'empêche pourtant pas le peuple de battre leurs mains grasses d'huile de churros en poussant de petits glapissements, comme des otaries à qui on a promis une énorme sardine.


Après quoi, apaisé et joyeux, le peuple s'en va dans les boîtes de nuit, perdre ce qu'il lui reste de tympans en écoutant trop fort une musique trop mauvaise, et en secouant frénétiquement sa couenne pour espérer trouver un sac de couchage dans lequel se rouler le soir venu, qu'il s'appelle Nadège ou Francine.


Et le lendemain, le ballet recommencera, avec entre temps, évidemment, le passage obligé au supermarché pour récuperer le p'tit jaune. Intéressant, d'ailleurs, de voir à quel point des gens en vacances peuvent être pressés et discourtois: bousculades, rebuffades, le tout dénué de la moindre excuse, dans le silence souverain du gros con qui est sûr de son fait et qui est convaincu qu'en vacances, il est le maître, avant de retourner jouer aux boules avec Gégéne à côté de sa caravane.


Triste monde.

 

 

 

 

 

 

Publié dans Craquages

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article